Une mi-fassia et des casablancais

Je n'ai jamais voulu travailler dans une ville autre que Casablanca: la dynamique, le bruit des klaxons (très désagréable en fin de compte), le rythme de vie élevé (animé de stress derrière le volant de votre petite voiture déjà deux fois heurtée légèrement effleurée par des automobilistes machos, orgueilleux et impolis) et les rêves de petite fille d'une grande carrière (de longues, fatigantes et stressantes journées de travail). Finalement, Casablanca est venue à moi, elle fait désormais partie de mon quotidien et je fais partie d'elle: j'y habite, y fais ma vie et y dépense mon argent: je ne suis pas une lourde invitée comme le pensent certains, c'est désormais ma ville. Certes, ça n'a pas toujours été rose entre nous: il y a eu des rouges brique presque noircis et des roses pâles vraiment très doux, un peu comme dans toutes les relations.
Mon feu rouge préféré en route pour le travail.

Aujourd'hui, quand j'y pense, je ne veux certainement pas quitter Casablanca pour habiter une autre ville. Oui Fès me manque, j'y ai mes repères: ma retoucherie efficace, mon cordonnier sympathique, ma vendeuse de pyjamas préférée. Pas que ça, il y a aussi mes souvenirs les plus chers et bien sûr tout le confort d'être entourée des siens. Ici, j'ai mon travail, mon indépendance, mes responsabilités... bref, une autre dimension de la vie qui fait de moi une personne adulte, et qui me fais presque oublier que pendant mes weekends dans la ville natale, je me fais toujours accompagner par mon père, à 24 ans, à mes rendez-vous chez le dentiste.

Toutefois, à Casablanca, je suis partout 'la fassia'. Je ne sais pas comment on fait pour me labéliser de la sorte. Avant, je ne comprenais pas qu'il s'agissait d'une histoire de teint, de traits. Je ne me suis jamais regardée dans le miroir et pensé: waw j'ai vraiment la tête d'une fassia. Ici, il parait que le code couleur est un peu plus foncé. (Je ne fais pas de jugement, j'ai toujours trouvé les brunes très belles, et ai toujours adoré Pocahontas). Laissons de côté l'apparence physique, qui n'est trompeuse que pour les plus expérimentés qui prennent la peine d'hésiter entre Fès et le nord 'chamal'... Il y a cette autre distinction qui est le darija parlé. La fameuse différence entre '9al' et 'gal' a tout son poids: ça peut faire doubler le prix d'un petit vase bidon à Derb Omar, comme ça peut vous faire engueuler par 'moul taxi' qui décide de vous déposer au rond point bien que vous ayez précisé que vous habitiez dans la rue, comme ça peut vous valoir d'attendre plus longtemps chez l'esthéticienne du coin parce qu'elle pense que vous êtes trop 'soft' et que vous ne saurez pas faire un scandale... et la liste est longue.

Je suis née à Fès, j'y ai grandi dans une famille à 75% fassi (ne nous attardons pas dessus, merci). J'ai appris 'sma9 w tawil' de ma mère, de ma grand mère paternelle, et je continue à l'apprendre de ma belle mère (je ne suis pas en train de dire que c'est propre aux femmes, mais dans ma famille ça l'a été, c'est un fait). Je sais faire 'swab' mais sans trop en abuser. Je me crois très ouverte d'esprit bien que très attachée aux petites traditions débiles (le set de broderie incroyablement cher de la mariée, la '3sida' de la fête du mawlid...) et je suis très sereine et en paix avec moi-même malgré toutes ces contradictions. 

Un an et quelques mois après avoir déménagé dans la ville blanche, la majorité du temps noircie par la pollution et les ordures, j'ai connu des casablancais, et d'autres casablancais. Il y a ces casablancais qui vous font aimer la ville (ils se reconnaitront: mille mercis) parce qu'en plus d'être la capitale économique c'est aussi une ville avec beaucoup d'histoire et plein de choses à découvrir, plus d'événements culturels qu'ailleurs, et en plus c'est un vrai plaisir pour les 'serial shoppeuses' comme moi. Mais j'y ai aussi été agacé par des comportements que je ne qualifierai pas de raciste parce que le mot est trop fort, mais plutôt d'indécents, impolis et parfois même blessants. Je me rappelle de ces gens qui m'ont rendu la vie dure, ces casablancais qui se croient supérieurs aux autres et ces casablancais qui se croient tout permis.

Je me rappellerai d'éduquer mes enfants, que je pourrai qualifier de casablancais (finalement c'est le lieu de naissance le plus important ou c'est l'identité des valeur que l'on y inculque qui compte? d'ailleurs, si mes enfants sont casablancais ceci ferait-il de moi une casablancaise? Bon, il est trop tôt pour ce type de réflexions) que là où vous êtes nés et où vous avez grandi est certes important car il représente une partie de vous, de vos souvenirs, de votre éducation... mais finalement comment vous êtes, quelle couleur de peau vous avez et comment vous parlez ne sont que des détails c'est l'intérieur qui compte.

1 comment:

  1. Ma grand mère (Allah yr7mha) était de l'avis qu'il y avait les fassis et les autres. Je l'ai trop aimée pour analyser avec profondeur sa thèse, de peur de la taxer, dans sa naïveté, de chauvinisme. Pour atténuer sa thèse je dirais qu'il y a les autres et les fassis. A chacun de choisir entre la thèse de ma grand mère (Allah yr7amha) et la mienne.

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